Hypnose dans les situations d'urgences
Milton Erickson, psychiâtre américain, a développé une approche thérapeutique originale fondée sur ce que le sujet est capable de faire pour lui-même. Le fondement de la thérapie est intimement lié à la qualité de la relation entre le thérapeute et le sujet. Le but du thérapeute est de permettre au patient de trouver en lui les ressources personnelles pour aboutir à la solution de son problème.
L’état hypnotique est un état banal dans lequel nous entrons et évoluons plusieurs fois par jour spontanément: le sujet se déconnecte de la réalité environnante, tout en étant présent ici, mais aussi ailleurs ! Cette modification de l’état de conscience est appellée « état hypnotique », le terme « transe hypnotique » étant celui qui fut utilisé en premier. L’état hypnotique est un phénomène physiologique spontanné et normal. Le but du d’entretenir ce phénomène naturel, à la demande du patient, dans un but thérapeutique ce qui rend cette technique tout à fait éthique.
L’hypnose ericksonienne n’a rien à voir avec l’hypnose traditionnelle. L’hypnose traditionnelle est basée sur les phénomènes de suggestion et de suggestibilité, qui sont efficaces sur un faible pourcentage de sujets (environ 20%)et dont l’écueil majeur est qu’elle introduit des modes de comportements extérieurs au sujet.
L’hypnose ericksonienne est fondamentalement différente: la suggestion directe est exclue.
Le patient est accompagné par le thérapeute, qui au cours d’une conversation lui permet d’accéder aux ressources de son inconscient. L’état modifié correspond à la dissociation entre notre conscient et notre inconscient.
C’est sur ces constatations que m’est venue l’idée d’utiliser l’hypnose dans le cadre des transports Samu: induire un état modifié de conscience pour permettre, après le conditionnement usuel aux interventions Smur,
– d’assurer le transport d’une victime dans les meilleures conditions de confort moral et physique,
– de préparer le patient à aborder au mieux le monde hospitalier souvent source d’angoisses et de douleurs (même si c’est pour une juste cause).
J’utilise pour ce faire les techniques de l’hypnose ericksonienne, avec l’accord des patients à chaque fois que c’est possible, pour induire un état de transe.
Les transports inter-hospitaliers (dits secondaires) sont plus propices à l’utilisation de ces techniques pour des raisons de temps, mais je les emploie également lors d’interventions primaires (infarctus, traumatismes de membres par exemple) dans un contexte d’anxiété et de douleur extrèmes.
L’induction de la transe
Les techniques d’induction ne sont pas strictement codifiées du fait qu’elles s’adaptent à chaque sujet. Quelques une d’entre elles sont décrites ici à titre d’information.
-Adapter le ton de sa voix: l’intensité baisse, la voix devient monocorde, insérer des pauses dans le discours ce qui permet au patient de se concentrer en lui.
-Adapter le rythme de discours à la respiation du patient: parler sur l’expiration du patient accentue l’attention du patient vers le discours du thérapeute.
-Utiliser les comportements du patient: l’utilisation des comportements non verbaux du patient sont décrits à haute voix par le thérapeute et permettent d’instaurer un climat de confiance individualisé.
-Utiliser des suggestions:e lles sont indirectes donc plus respectueuses des besoins et des résistances du patient
-Utiliser les valeurs du patient: le thérapeute emploie les goûts et centres d’intérêts du patient pour l’ammener vers des expériences agréables.
-Donner des permissions: l’important est de ne pas imposer, de permettre au patient d’utiliser ses propres expériences. Ainsi au lieu de dire au patient « détendez-vous, respirez tranquilement » on préfèrera une phrase du type « lorsque vous le désirerez vous pourrez vous détendre, à votre rythme « .
-Utiliser le principe de dissociation: à l’aide de phrase comme « vous pouvez entendre les bruits de l’extérieur et vous concentrer sur ce qui se passe à l’intérieur de vous »
-Le cadre des interventions primaires est sensiblement différent.
-En effet l’état psychologique du patient-victime, ne lui laisse pas toujours la possiblité d’évoquer des souvenirs agréables et cela se conçoit aisément. Une transe « classique » est dès lors peu envisageable. Dans ces situations, c’est le comportement du médecin et de l’équipe qui l’entoure qui va pouvoir influencer en mieux (ou moins bien) l’état psychologique du patient.
Il s’agira donc dans ce cas précis
– d’obtenir le maximum de calme dans les mouvements des équipes,
– d’éviter les expressions du type « la jambe est explosée » !!, « ça pisse la rage » !!, « le scope déconne encore » !! comme ilest habituel d’entendre, – d’expliquer au maximum les gestes pratiqués (pose de voie veineuse, mise en place du scope …).
– de tenter de concentrer le patient sur son monde intérieur en lui demandant de fermer les yeux, en se focalisant sur sa respiration.
Ceci est d’autant plus aisé qu’il me semble que le patient-victime est dans un état proche d’un état de transe du fait du traumatisme en cours accompagné d’une réceptivité acutisée à tous les messages extérieurs. On comprend dès lors que si ces messages sont perçus comme menaçants ou anxiogènes, l’angoisse se trouvera accrue. Dans le cas inverse, il est possible d’induire un état de confiance et de confort (relatif) favorable pour la victime et secondairement pour l’équipe soignante.
Sortie de la transe
il est très important de guider de façon douce le patient vers « la sortie de la transe ». Il convient de vérifier que le patient est de nouveau présent « ici et maintenant ».
Enfin le thérapeute interroge le sujet sur les données sensorielles vécues.
L’état modifié de conscience pourra être prolongé pendant l’hospitalisation par le patient lui-même. En effet je lui indique qu’il pourra retrouver les sensations de détente et/ou de confort qu’il a pu expérimenter en ré-utilisant les éléments acquis pendant le transport (souvenir agréable, respiration calme, fermeture des yeux).
Préparation aux interventions
Dr Philippe Rault
Anesthésiste
Samu 35