Hypnose en obstétrique

UTILISATION DE L’HYPNOSE EN OBSTETRIQUE PAR UNE SAGE-FEMME

Sage-femme libérale depuis 14 ans après 10 ans d’activité en maternité, je pratique la préparation à l’accouchement, la surveillance de grossesse à risque (essentiellement menace d’accouchement prématuré, hypertension, enfant précieux). Je suis également thérapeute et ma pratique thérapeutique ne s’adresse pas à une clientèle particulière.

J’utilise l’hypnose éricksonienne d’une manière formelle ou informelle, selon les besoins, les demandes et la personnalité de mes clientes. Selon Godin,  » L’hypnose est un mode de fonctionnement psychologique dans lequel un sujet, grâce à l’intervention d’une autre personne, parvient à faire abstraction de la réalité environnante, tout en restant en relation avec l’accompagnateur ».

Ce mode de relation particulière est privilégié dans la mesure où il fait apparaître des possibilités nouvelles : par exemple, des possibilités supplémentaires d’action de l’esprit sur le corps, ou de travail psychologique à un niveau inconscient.  » Selon l’Association médicale britannique (1955) :  » L’hypnose est un état passager d’attention modifiée chez le sujet, état qui peut être produit par une autre personne et dans lequel divers phénomènes peuvent apparaître spontanément ou en réponse à des stimuli verbaux ou autres. Ces phénomènes comprennent un changement dans la conscience et la mémoire, une sensibilité accrue à la suggestion et l’apparition chez le sujet de réponses et d’idées qui ne lui sont pas familières dans son état d’esprit habituel. En outre, des phénomènes comme l’anesthésie, la paralysie, la rigidité musculaire et des modifications vaso-motrices peuvent être, dans l’état hypnotique, produits et supprimés.  » L’hypnose éricksonienne se caractérise par l’utilisation des ressources et des apprentissages du patient et l’acceptation de tout ce qu’il amène avec lui. Elle est donc, de par ces définitions, un excellent outil dans ma pratique, puisqu’elle permet de modifier l’attitude mentale du sujet face à une situation donnée, de lui donner de nouvelles perspectives, de faire appel à ses ressources et ses apprentissages, de favoriser la relaxation mentale et physique puisque selon le principe du hatha-yoga :  » la détente de la musculature volontaire fait le lit de la détente nerveuse « , de produire anesthésie et analgésie, etc. C’est un moyen d’investigation de l’inconscient qui permet de mettre à jour des craintes irrationnelles par rapport à l’accouchement.

La préparation à l’accouchement est d’autant plus efficace qu’elle débute tôt dans la grossesse. Lors du premier entretien, je propose l’hypnose comme un outil de relaxation, mais j’ai constaté dans ma pratique que l’hypnose fait généralement assez peur et la demande d’hypnose formelle est peu fréquente. Je pratique plutôt l’hypnose informelle durant les séances de respiration. L’induction est indirecte et la profondeur des transes est légère à moyenne. Pendant que la cliente fait ses exercices respiratoires, je l’invite à se  » déplacer  » dans un endroit connu ou imaginé, qui représente pour elle un lieu de sécurité, de joie, de bonheur, de confort et, par une sorte de conditionnement, les respirations qu’elle effectuera le jour J la ramèneront dans ce lieu.

Les exercices de relaxation se font dans le même esprit et seront pratiqués également le jour J, dès le début du travail, afin de ne pas spasmer le col en début de dilatation. La relaxation peut être active ou passive, selon la cliente. Je fais appel au principe d’utilisation de Milton Erickson ; toute personne a ses façons qui lui sont propres de se détendre, qui sont certainement plus efficaces qu’une nouvelle technique. Je fais appel au principe de dissociation, en extériorisant la contraction utérine, en l’objectivant sous forme d’un schéma que la cliente devra avoir régulièrement sous les yeux.
Pour celles qui désirent de l’hypnose formelle, deux séances y sont consacrées. La première est consacrée à la manifestation des phénomènes hypnotiques (lévitation, anesthésie). Pour la deuxième séance, je prépare une induction et des suggestions post-hypnotiques personnalisées pour la cliente. Durant toute la séance, la cliente étant dans un état de transe moyen à profond, je fais défiler les différentes phases de l’accouchement jusqu’à la délivrance, en insistant sur le fait que toutes les femmes portent inconsciemment en elles le savoir-faire de Lucy, qui sans savoir qu’elle avait un utérus savait accoucher, et que le corps sait, tout seul, comment accomplir cette fonction physiologique. Je donne des suggestions post-hypnotiques pour le décollement placentaire, la rétraction utérine et une quantité de saignement  » juste nécessaire « .
Pendant la grossesse, j’utilise l’hypnose informelle ou formelle, pour le traitement des hypertensions. Elle s’avère efficace avec les personnalités stressées, inquiètes. Quant aux menaces d’accouchement prématuré, la plupart des femmes en surveillance à domicile ont le col peu modifié, mais un utérus contractile. Le pouvoir relaxant de l’hypnose a de bons résultats.

Du fait de ma pratique thérapeutique, je revois quelques-unes de mes clientes pour des déprimes du post-partum. Lors de ces entretiens, il m’arrive d’avoir recours à l’hypnose, notamment quand le vécu de l’accouchement est négatif et qu’elles sont submergées par la culpabilité ou la déception.
Du fait que je ne suis pas présente le jour de l’accouchement de mes clientes, je m’efforce de les rendre autonomes et de leur apprendre à se contrôler.

Armelle Touyarot
Sage-Femme
Toulouse