Bloc paravertébral échoguidé sous hypnose
Hypnose et bloc paravertébral échoguidé dans la chirurgie du cancer du sein
Hypnosis and ultrasound-guided paravertebral block in breast cancer surgery
A. Bouzinac a,*, A. Delbos a, M. Mazières a, O. Rontes a, J.-L. Manenc b
a Service d’anesthésie, clinique Médipôle Garonne, 45, rue de Gironis, 31100 Toulouse, France
b Service de chirurgie gynécologique, clinique Médipôle Garonne, 45, rue de Gironis, 31100 Toulouse, France
INFOARTICLE
Historique de l’article :
Reçu le 12 février 2012
Acceptéle 20 mars 2012
Mots clés : Hypnose, Bloc paravertébral, Échographie, Cancer du sein
Keywords: Hypnosis, Paravertebral block, Ultrasound-guided technique, Breast cancer
R ÉS U M É
Nous avons étudiéchez trois patientes atteintes d’un cancer du sein la possibilitéde réaliser une segmentectomie mammaire sous hypnose en association à un bloc paravertébral échoguidé(BPV). Les trois interventions se sont déroulées sous hypnose. En salle de surveillance post- interventionnelle, les patientes évaluaient la douleur à zéro et le confort ressenti à 8 sur 10 en moyenne. L’hypnose pourrait être une alternative possible à une anesthésie conventionnelle en association à un BPV pour la chirurgie du sein.
_ 2012 Sociétéfrançaise d’anesthésie et de réanimation (Sfar). Publiépar Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
ABSTRACT
The combination of hypnosis and paravertebral block (PVB) was studied in three patients scheduled for breast cancer surgery. The three procedures were realized under hypnosis. Median postoperative pain was rated at zero and comfort felt at 8 on a 10 points scale. Hypnosis could be an alternative to conventional anesthesia in combination with a PVB for breast cancer surgery.
_ 2012 Société française d’anesthésie et de réanimation (Sfar). Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
* Auteur correspondant.
Adresse e-mail : arnaudbouzinac@gmail.com (A. Bouzinac).
Disponible en ligne sur
www.sciencedirect.com
1. Introduction
Depuis plusieurs années, l’hypnose Ericksonienne connaît un regain d’intérêt et voit ses applications se développer en anesthésie [1]. L’hypnose, associée ou non à une sédation ou à une anesthésie locale permet la réalisation de certaines interventions chirurgicales ou explorations digestives, et peut être une alternative à une anesthésie générale conventionnelle.
Nous avons évalué auprès de trois patientes la possibilité d’utiliser l’hypnose pour la prise en charge au bloc opératoire d’un cancer du sein après réalisation d’un bloc paravertébral (BPV) échoguidé.
2. Patientes et méthode
Trois patientes ont été incluses dans cette étude préliminaire au cours du mois de décembre 2011. Le geste chirurgical prévu était une segmentectomie mammaire associée à une exérèse du ganglion sentinelle axillaire. Lors de la consultation d’anesthésie, l’hypnose était proposée en alternative à l’anesthésie générale. Le BPV était systématiquement proposé.
Au bloc opératoire, les trois patientes ont été prises en charge par le même anesthésiste formé à l’hypnose et pratiquant régulièrement cette technique, et par le même chirurgien.
En salle de préanesthésie, un BPV était réalisé sous contrôle échographique, selon un abord dans le plan ultrasonore (fig. 1).
Deux injections de 20 mL de ropivacaïne à 0,375 % étaient réalisées en T2-T3, puis en T4-T5.
En salle d’opération, après monitorage standard, une perfusion de rémifentanil était débutée à la posologie de 0,025 mg/kg par minutes.
La technique hypnotique comportait une induction, un entretien et une réassociation. L’induction de la transe débutait avant la mise en place des champs opératoires, par une orientation de la patiente « ici et maintenant ».
Il était convenu avec la patiente qu’elle pourrait à tout moment signaler un inconfort ou une douleur en levant la main du côté non opéré. La chirurgie serait alors interrompue et un bolus de 20 mg de rémifentanil serait injecté, l’intervention reprenant dès que l’analgésie serait satisfaisante. L’accompagnement dans la transe se faisait sur le thème d’un souvenir agréable, choisi par la patiente. L’entretien comportait des techniques de dissociation et de saupoudrage. La réassociation signifiant la fin de la transe avait lieu au moment de la réalisation du pansement.
En salle se surveillance post-interventionnelle (SSPI), la douleur était évaluée selon une échelle numérique (EN) variant de 0 à 10. Le confort était ensuite évalué selon une même échelle. Le protocole d’analgésie postopératoire associait 1 g de paracétamol toutes les six heures systématiquement, 50 mg de tramadol pour une EN comprise entre 3 et 6, et 20 mg de sulfate de morphine à libération immédiate pour une EN supérieure à 6.
3. Résultats
Les trois interventions ont été réalisées sous hypnose. Deux des trois interventions se sont déroulées sans aucune interruption ni injection de rémifentanil. La troisième a nécessité trois bolus de rémifentanil, au cours de l’abord de la chaîne ganglionnaire axillaire. En SSPI, la douleur était évaluée à zéro pour les trois patientes. Le confort était évalué en moyenne à 8 (minimum 7, maximum 9). Aucun autre antalgique que le paracétamol n’a été nécessaire au cours des 24 premières heures postopératoires.
Au lendemain de l’intervention, les trois patientes se déclaraient prêtes à avoir recours à l’hypnose si une autre intervention
était nécessaire.
4. Discussion
Le BPV est une technique efficace en chirurgie du sein, associée à une anesthésie générale ou une sédation [2]. L’apport récent de
l’échographie permet de simplifier et de sécuriser cette technique [3,4]. La réalisation de blocs étagés augmente le nombre de dermatomes bloqués [5].
Plusieurs études confirment l’intérêt de l’hypnose dans le cadre de la chirurgie thyroïdienne [6], pour les endoscopies digestives [7], les interruptions de grossesses [8], ou la mise en place de dispositifs de stérilisation intra-tubaires [9].
L’hypnose est ici une alternative possible à une anesthésie conventionnelle, en association à un BPV couvrant l’ensemble du territoire chirurgical. La perfusion de rémifentanil à très faible dose est une sécurité, en cas de défaut d’extension du bloc. L’absence d’hypnotique injectable permet de conserver le contact verbal avec la patiente. L’accompagnement particulier proposé par l’hypnose améliore le confort et réduit l’anxiété périopératoire [9,10].
L’objectif est d’améliorer le vécu des patientes lors de leur prise en charge au bloc opératoire.
Les scores de confort postopératoires élevés chez ces trois patientes vont dans le sens de cette approche dynamique, l’hypnose permettant la mobilisation des ressources internes de chacun afin de devenir acteur de son parcours de soin.
5. Conclusion
L’hypnose est une alternative possible à une sédation intraveineuse en complément d’un bloc paravertébral pour la prise en charge du cancer du sein. Ce travail préliminaire limité à trois patientes permet de confirmer la faisabilité de la technique. D’autres études sont nécessaires pour comparer ce protocole à une anesthésie classique.
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Références
[1] Virot C. Les actes du Congrès AGORA 2002. In: L’hypnose au quotidien. De la transe spontanée à l’hypnose médicale en anesthésie. Paris: Arnette; 2002.
[2] Schnabel A, Reichl SU, Kranke P, Pogatzki-Zahn EM, Zahn PK. Efficacy and safety of paravertebral blocks in breast surgery: a meta-analysis of randomized controlled trials. Br J Anaesth 2010;105:842–52.
[3] Renes SH, Bruhn J, Gielen MJ, Scheffer GJ, Van Geffen GJ. In plane ultrasoundguided thoracic paravertebral block: a preliminary report of 36 cases with radiologic confirmation of catheter position. Reg Anesth Pain Med 2010;35: 212–6.
[4] Bouzinac A, Delbos A, Mazières M, Rontes O. Intérêt de l’échographie dans la réalisation du bloc paravertébral thoracique en chirurgie mammaire. Ann Fr Anesth Reanim 2011;30:453–5.
[5] Cowie B, McGlade D, Ivanusic J, Barrington MJ. Ultrasound-guided thoracic paravertebral blockade: a cadaveric study. Anesth Analg 2010;110:1735–9.
[6] Defechereux T, Degauque C, Fumal I, Faymonville ME, Joris J, Hamoir E, et al. L’hypnosédation, un nouveau mode d’anesthésie pour la chirurgie endocrinienne cervicale. Étude prospective randomisée. Ann Chir 2000;125: 539–46.
[7] Bernard F, Musellec H. Colonoscopies sous hypnose : enquête prospective sur 40 patients. In: Hypnose et thérapie brève, la note bleue. Bruxelles: Satas; 2005 [p. 149–152].
[8] Marc I, Rainville P, Masse B, Verreault R, Vaillancourt L, Vallée E, et al. Hypnotic analgesia intervention during first-trimester pregnancy termination: an open randomized trial. Am J Obstet Gynecol 2008;199:e1–9.
[9] Musellec H, Bernard F, Houssel P, Guillou N, Hugot P, Martin L, et al. Étude prospective comparant l’hypnosédation et l’anesthésie générale pour la pose
de dispositif de stérilisation intratubaire en ambulatoire. Ann Fr Anesth Reanim 2010;29:889–96.
[10] Faymonville ME, Mambourg PH, Joris J, Vrijens B, Fissette J, Albert A, et al. Psychological approaches during conscious sedation. Hypnosis versus stress reducing strategies: a prospective randomized study. Pain 1997;73:361–7.
Fig. 1. Injection de 20 mL de ropivacaïne dans l’EPV ; AT : apophyse transverse. A. Bouzinac et al. / Annales Françaises d’Anesthésie et de Réanimation 31 (2012) 644–645 645